A propos de stigmatisation

A longueur de média, il est question de politiques publiques, d’actions dédiées à telle catégorie de population, de mesures en faveur de tel ou tel public.  Cela part à chaque fois d’une « bonne intention », d’une « bonne volonté » « apparente » !  Une question malgré tout se pose, est-ce qu’en final cela ne se révèle pas contreproductif ? Est-ce que l’on n’obtient un effet inverse à celui recherché ? Et si l’impact escompté n’est pas celui attendu, n’est pas obtenu, ne serait-ce pas en raison d’un phénomène de stigmatisation ?

« La stigmatisation, c’est le regard qui juge
sévèrement les capacités des gens que
l’on dit « différents ». Ce sont des idées
préconçues qui enferment les personnes
dans un univers sans possible. Il faut
lutter contre cet éteignoir de rêves« .
Anonyme

Pour compléter ce verbatim, je vous propose de relire ensemble la définition de ce mot « stigmatisation ». Cela permettra de donner un cadre de référence, une base à cet article. Ainsi, si on se réfère à des dictionnaires connus :

stigmatiser :

  • imprimer sur le corps de quelqu’un une marque indélébile
  • Dénoncer, critiquer publiquement quelqu’un sur des actes que l’on juge condamnable ou répréhensible.

 

La stigmatisation peut du coup être définie comme :

une marque de honte, de disgrâce, de désapprobation conduisant un sujet ou un groupe à être évité et/ou rejeté par les autres (la société, la classe, la famille…).

 

Ainsi la stigmatisation relève de l’attitude des personnes par rapport à un groupe particulier et que la discrimination relève du comportement des personnes envers ce groupe.

On note l’existence de différents types de stigmatisation, dont la stigmatisation sociale. Cette dernière entraîne des effets importants : en plus de diminuer l’estime de soi et la confiance en soi des personnes qui en sont l’objet, elle nuit à leur intégration sociale et réduit leur possibilité de trouver un emploi ou un logement. De plus, elle représente un des principaux freins à la quête de soins quand ceux-ci sont nécessaires. Ainsi,« les préjugés incitent près de 2/3 des personnes atteintes à ne pas chercher l’aide dont elles ont tant besoin ». Comme autres types, il faut citer l’autostigmatisation – C’est la réaction de la personne appartenant à un groupe stigmatisé qui retourne l’attitude stigmatisante contre elle- même ! – et la stigmatisation « institutionnelle » ou structurelle – que l’on peut désigner comme l’ensemble des pratiques institutionnelles et aux barrières qui limitent la pleine participation citoyenne des personnes concernées par ces freins et obstacles et faisant l’objet de cette « mise au pilori ».

« Je désire être une personne à
part entière sans étiquettes.
Me débarrasser de mes
étiquettes me permet de limiter
l’autostigmatisation« .
Richard Langlois

La stigmatisation psychologiquement marque les personnes ciblées et les discrédite. Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), elle est même d’autant plus importante que le comportement de l’individu diffère davantage de ce qui est “ normal ” (et se pose ici la question de « qu’entend-on par « normalité », quelle définition peut-on en donner ? » – ce sera l’objet d’un prochain billet).

Mais en même temps qu’elle emmène à se questionner sur la légitimité de l’action. A la base, l’intention du projet mené est de venir en aide, d’appuyer, accompagner une population donnée pour une durée plus ou moins longue. C’est le cas par exemple des politiques publiques de l’emploi en faveur des plus éloignés dudit emploi, des personnes dites les plus fragiles, discriminées (genre, religion…).

L’idée également peut être de mieux faire comprendre le fonctionnement de personnes, personnalités « atypiques » (car sur-efficientes par exemple) en rédigeant des articles, mettant en ligne des vidéos, publiant des « posts » sur les forums et autres « billets » sur les réseaux sociaux… mais le résultat n’est pas toujours au rendez-vous. Il peut y avoir rejet par les personnes concernées (qui par exemple ne se reconnaissent pas dans des termes les assimilant à des « équidés »…), qui ne se considèrent pas comme « handicapées » (il en est pour preuve les interviews des athlètes « handisport » qui ont fait front et se battent au quotidien pour vivre « normalement » et ne pas faire l’objet de mesures jugées « vexatoires »…)… Et dans le même temps, cela peut « interpeller » l’environnement sociétal sur un tel besoin.

Le fait de cibler précisément telle ou telle cible entraine non seulement des questionnements sur le bien-fondé de ces actions mais également sur les capacités des personnes ! Ainsi, si on reprend l’exemple des politiques publiques de l’emploi, cela va poser du coup problème : « Pourquoi vais-je embaucher cette personne ? N’est-elle pas capable de se débrouiller seule ?  Et si elle n’en a pas la potentialité, comment pourrais-je lui confier des tâches à accomplir ? » Et nous arrivons dans un processus qui, s’il n’en existait pas des latents, va aider à la production et la mise en place de préjugés à l’encontre de ceux que l’action voulait épauler, voire même renforcer encore ces préjugés !

 « Dure époque que celle où il est plus
simple de désagréger un atome
qu’un préjugé« .
Albert Einstein
Cela permet ici de pointer plusieurs éléments clés à prendre en compte avant la mise en place de toute action, de toute politique publique ou d’entreprise :
  • Le but, l’objectif de celui, de celle (ceux / celles) qui veut(ent) mettre en place une telle action.
Quels sont les motifs cachés ? Les intentions profondes ? Est-ce pour se dédouaner de ses propres failles, manques ou incompétences, peurs… ? Exemple dans une organisation où serait mis en avant l’action de l’encadrement comme n’ayant pas compris les consignes et orientations données… pour rejeter la responsabilité du chef de service sur ses cadres ! Toute ressemblance avec des situations existantes serait totalement fortuite et pure coïncidence !!!!!! Là encore, il ne faut pas chercher dans la réalité des cibles particulières mais quels objectifs dans des campagnes d’incitation à prendre en compte telle ou telle problématique, à sensibiliser le public sur tel sujet dit de « société » à importance « cruciale » ! Est-ce pour masquer des objets plus inavouables (avec une vision moyen – long terme) ? Sans chercher à accuser quiconque (ou à stigmatiser qui que ce soit), il ne faut pas être candide.
  • La cible :

Vaste sujet en fonction de qui est à l’origine de l’action quelle que soit la forme de celle-ci. Ce peut être un service dans une organisation humaine (entreprise, administration…), ce peut être une catégorie de personnes et/ou de publics spécifiques (enfants, jeunes ou adultes, les seniors, les femmes,…), ce peut être une population précise sur un territoire donné… Ce peut être un public mélangé (enfants, jeunes et adultes) présentant des caractéristiques communes.

 

  • Un cadre et une temporalité :

Il faut préciser dans quel cadre et quelle temporalité ce travail s’effectue : une pluriannualité ? Un travail de fond car objet de l’association ; car « coeur de métier » du professionnel qui veut valoriser son savoir-faire-faire, ses compétences et se faire connaître pour trouver ses futurs clients, patients….? car passion de celui ou de celle qui s’investit sur ce sujet ? ; Un travail ponctuel en mode projet et financé comme tel sur fonds européens par exemple avec des bilans annuels… pendant la durée de l’action (1 à 3 ans)… Et le cadre est essentiel pour éviter de rentrer dans ce processus de discrimination / stigmatisation !

 

  • Un objectif à atteindre ET des critères d’évaluation :

Quel résultat veut-on obtenir (particulièrement en mode projet) et quels en seront les éléments de « preuve » tant quantitatifs que qualitatifs ? Un élément-clé : les critères d’évaluation doivent clairs, objectifs et transparents ! Sans rentrer dans un perfectionnisme exagéré, il faut une ambition porteuse de sens et un niveau d’exigence avéré, pour mobiliser, motiver ! Et sans rentrer dans le dirigisme, il faut un contrôle de l’action en temps réel pour l’ajuster et ne pas s’enferrer dans des voies sans issue et parce que la confiance n’exclue pas le contrôle !

 

  • La communication :

Un préalable : que l’objectif soit clair, précis, dénué de toute ambiguïté pour favoriser la communication à mettre en place (Cf. la citation de Nicolas Boileau dans cet article).

Pour que celle-ci soit adaptée, il faut identifier et avoir conscience que celle-ci est transverse ! C’est-à-dire que c’est l’élément incontournable qui est anticipé et mis en oeuvre dès le début du travail de préparation de l’action, du lancement de projet (depuis l’intention jusqu’à son terme, en n’omettant pas de préparer la future présentation des résultats quantitatifs et qualitatifs, et le suivi !). Cette communication est adaptée aux différentes parties prenantes (que ce soient les acteurs, les relais, la cible…) et utilise le/les vecteur(s) le(s) plus adapté(s) à chaque destinataire ! Il faut tenir compte que l’on ne s’adresse pas de la même manière au « grand public » qu’aux professionnels du secteur concerné ou aux personnes elles-mêmes. Cette communication doit être pertinente, juste, cohérente. Il faut tenir compte du fonctionnement du support utilisé : on n’écrit pas la même chose sur un blog spécialisé, un site institutionnel que sur les réseaux sociaux ! On ne partage pas les mêmes éléments en fonction des intérêts du destinataire final…

Ce sujet de la stigmatisation montre bien l’importance de savoir s’intéresser aux gens d’une manière adaptée. Mais, s’adressant à des êtres humains, on ne peut être exempt de biais subjectifs, d’interprétations contraires au but recherché de la part des « cibles ». En fonction du contexte, de l’environnement des personnes, il peut y avoir parfois indirectement ou très directement une volonté non équivoque de nuire pour servir non pas l’intérêt général (« se servir et non servir ») et en « récupérant » l’action mise en oeuvre.
Est-ce à dire qu’il ne faut rien faire ? Non bien sûr mais d’une manière plus « subtile » et adaptée. Et je vous propose d’en poser ci-dessous quelques éléments clés récapitulatifs.
A retenir :
  • La stigmatisation psychologiquement marque les personnes ciblées et les discrédite car marque de honte, de disgrâce, de désapprobation conduisant un sujet ou un groupe à être évité et/ou rejeté par les autres
  • Les effets de la stigmatisation et discrimination pour la personne :
    • garder le silence et ne pas rechercher d’aide
    • différer une demande d’accompagnement
  • Pour des actions efficaces, il faut une vision claire, simple (et non « simpliste » ou démagogique) donnant lieu à une stratégie assumée déclinables en orientations réalistes, faisant l’objet de « pragmatisme éclairé » (principe de réalité allié à une juste ambition permettant ainsi de donner du sens à ces visions, stratégie, orientations), partagées par les acteurs en charge de la mettre en oeuvre. Mais également porteuse de sens et partagée pour l’environnement ET pour la cible elle-même.

 

Pour illustrer les points clés évoqués ci-dessus et conclure cet article :

Si on prend un exemple simple à l’échelle d’une école, l’intelligence émotionnelle est un enjeu reconnu pour les personnes, les enfants et jeunes dites « gifted », « talented » mais en s’y attardant de plus près, c’est un enjeu pour l’ensemble des jeunes pour mieux apprivoiser leurs émotions et ainsi fluidifier le « vivre-ensemble ». Un travail sur ce sujet doit donc concerner l’ensemble de la classe et non pas quelques uns uniquement au pretexte que cela facilitera leur adaptation. Un tel travail est bénéfique à tous !

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